Death Stranding : la ligne de vie qui nous relie
Je l'attendais depuis l'annulation de Silent Hills, depuis ses énigmatiques et nébuleuses bandes-annonces et je viens de lire les dernières lignes du générique final. Death Stranding aura su me captiver, me passionner, me prendre aux tripes et m'émouvoir aux larmes jusqu'à me paralyser manette en mains. Le jeu est-il une réussite indiscutable ?
Non.
Mais c'est un "chef-d'œuvre", celui qui renoue avec la définition propre du terme et non sa vulgarisation qui appelle une œuvre au succès grand public et réussite commerciale indiscutable, celui de la perfection quasi-objective même si l'objectivité n'existe pas dans l'art.
Non, le "chef-d'œuvre" de Death Stranding est au plus près de sa racine et de ce qu'en disait Balzac : ce que l'artiste considère comme son travail le plus abouti — son chef-d'œuvre — et qui n'est pas souvent ce qui plaît le plus au public. Une œuvre angulaire qui, par son imagination remarquable, porte son media à un autre niveau et le fait avancer, une œuvre qui marque son temps, un tour de force, une œuvre où il y a un avant et un après. Il y a un avant Death Stranding et il y aura un après Death Stranding.
Je plains ceux qui ont décroché rapidement ou y sont restés froids et insensibles. Je déplore ce clivage extrême entre deux camps de mongoliens aveugles que ce jeu crée pour des raisons aussi brumeuses que ne le veut la mentalité des réseaux Twitter et Youtube... Un comble pour un jeu vidéo dont le cœur est le lien entre les gens, la connexion du monde.
Death Stranding n'est pas l'œuvre parfaite qui te permet de brûler de l'encens sur un autel érigé à la gloire d'Hideo Kojima dans ta chambre, tout comme il n'est pas un jeu que tu vas pouvoir streamer sur Youtube en beuglant comme un âne et faisant des tas de voix bizarres pour te rendre drôle en tentant de jouer les bouffons pour la galerie dans l'espoir égocentrique que cette même galerie érige un autel à ta propre gloire de connard, bien au contraire tant il appelle à l'humilité et à l'intimité. D'ailleurs si Death Stranding est aussi abouti il n'en manque pas moins d'une certaine maturité et pourtant même c'est grâce à cette naïveté et à cette fougue propre aux premières œuvres d'un artiste qui part dans tous les sens, a beaucoup à dire, qu'Hideo Kojima surprend encore. Combien on aimerait voir encore de tels jeux, de tels films qui jouissent d'un réalisateur à l'expérience avancée mais qui a perdu sa verve et son aspect candide attachant de la première heure ? Il y en a trop peu à mon goût, tous sont trop préoccupés à rentrer dans le moule, à arrondir les angles pour ratisser large dans le public ou à trop se contenir par peur de ne plus être dans le politiquement correct.
Je le dis et le répète, Death Stranding est génial. Il est un de ces grands phares dans la mer de jeux gogoles bon marché. Un jeu qui appelle plus à ta sensibilité, ta capacité à t'émouvoir, un jeu qui sait toucher ce Toi fragile même si tu es du genre coriace. 1 mois, 1 semaine dans ces paysages éthérés, cavalcadant sur le son de Low Roar (faisant replonger mon Spotify quotidiennement dans une sélection de rock sensible entre shoegaze, rock alternatif ambiant, post-rock et dream pop) avec la mission de reconnecter le monde et essayant de m'ouvrir moi-même intérieurement aux autres. 1 mois, 1 semaine et la naissance de mon fils plus tard, je ressors grandi de Death Stranding, comme après un Nier Automata salvateur en 2017. J'ai appris sur moi-même, sur mes certitudes et mes doutes, sur mes peurs et je sais que toi, qui as plongé dans les coins les plus reculés de la Grève, tu sais ce que je ressens et je sais que toi aussi, tu as vécu une aventure incroyable. Je sais que toi et moi, même si on a conscience que la fin est proche, on bâtira ce qu'il faut pour notre avenir, pour évoluer et pour vivre le mieux possible au jour le jour afin de profiter de cette infime seconde à l'échelle du cosmos en faisant ce qu'on sait faire de mieux : nous rebeller contre l'inéluctable afin de grappiller quelques instants fragiles, quelques respirations, quelques battements de cœur, quelques "je t'aime", quelques rires et quelques pleurs supplémentaires dans cette vie où nos liens, nos émotions et nos sentiments sont les nuances de couleurs prononcées en contraste avec le monochrome du quotidien. Nous ne sommes là que pour un instant et l'essentiel est de savoir ce que nous pouvons accomplir durant ce battement de cil.
Je suis Noctis_Ludens Porter Bridges et c'était génial.
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